Les dangers de l’impéritie gouvernementale de départ ne sont pas épuisés

 

Les autorités politiques sont prises en tenailles entre deux choix tout aussi stratégiques : la protection de la population ou la relance ciblée de l’économie devant les conséquences de la chute d’activité. Elles ne parviennent pas à se faire une religion, mais plus le temps passe, plus le risque d’accorder la priorité au second choix s’accroit, car il sera de plus en plus difficile de s’en tenir plus tard à des simulacres de changement.

Le déconfinement qui permettrait la relance de l’activité nécessite des moyens qui ne sont pas disponibles, notamment des tests et des masques en quantités adéquates. Lorsque cela sera le cas, une période s’ouvrira sur un nouveau mode qui reste à définir. Mais la vie ne sera plus comme avant, de lourdes précautions resteront indispensables. Le Conseil scientifique mis en place par le gouvernement Philippe estime notamment que 17 millions de français seront alors des « personnes à risque » pour lesquelles la poursuite du confinement s’imposera.

La durée de cette nouvelle période dépendra de la réalisation d’une campagne de vaccination à grande échelle. Avant qu’elle puisse intervenir, la seule issue sera d’atteindre un taux de contamination et d’immunité estimé entre 60% et 70% de la population, le seuil d’une « immunité collective ». Elle n’est pas pour demain car les Français en seraient à 3%, selon les épidémiologistes britanniques. C’est le revers de la médaille du confinement. Dans l’immédiat, pour comprendre la suite de la pandémie, les autorités font tourner des modèles mathématiques qui reposent sur des méthodologies non éprouvées.

Les États-Unis ont le redoutable privilège d’enregistrer le plus grand nombre de morts du coronavirus, tout en connaissant une vague de près de 17 millions d’inscriptions au chômage en l’espace de trois semaines. Donald Trump, après avoir mis beaucoup de temps à admettre un danger qu’il niait effrontément, va-t-il résister à l’envie d’appeler à la reprise du travail pour relancer l’économie et assurer dans la foulée sa réélection ? Il « pense » que l’activité économique reprendra en mai prochain avec ce commentaire : « rester à la maison entraîne aussi la mort (…), une différente forme de mort peut-être ». Steven Mnuchin, le secrétaire du Trésor, a délivré le même message.

Si les États-Unis devaient prendre ce chemin, avec à la clé un nombre impossible à prédire de morts, l’incitation serait grande pour d’autres pays de suivre son exemple. Certains annoncent même en Autriche, au Danemark, en Norvège, en Grèce et en République tchèque la levée prochaine de certaines restrictions.

À l’impéritie, ces mêmes autorités dont le discrédit s’approfondit vont-elles ajouter l’irresponsabilité en décidant d’entamer à l’aveuglette le déconfinement, en faisant prendre des risques incalculés, elles qui hier n’avaient à la bouche que le principe de précaution ?

On espère que non.

4 réponses sur “Les dangers de l’impéritie gouvernementale de départ ne sont pas épuisés”

  1. Puisqu’il est question dans ce billet d’impéritie et de discrédit gouvernemental, je signale que Mediapart est en accès libre tout le week-end.

    Le lecteur ébahi (ou pas) pourra y lire une enquête très fouillée où l’on apprend :
    -1 : que des années de « new public management », RGPP et autre dégraissage sauvage du Mammouth, ont détruit l’efficacité de nos administrations à pouvoir faire face efficacement à des crises majeures.
    -2 : que les choix catastrophiques du « nouveau monde » ont abouti dans les faits à privilégier l’approvisionnement en masque des entreprises privées au détriment des hôpitaux et des personnels de santé.

    Scandaleux dites-vous ? Mais mon bon ami, comme le dit un fabricant de charcutaille industrielle, nous n’avons pas les mêmes valeurs ! Et puis le rapport de l’Inspection générale de la police, pardon les attendus de décision de la Cours de justice de la république, sont aisément devinables. Après les recours et autres reports, ils nous apprendront vers 2050/2055, qu’à l’exception de quelques menues imperfections, la crise fut parfaitement gérée.

  2. Peut-être que Trump va accomplir à nouveau le constat de Churchill après Munich : « vous aurez la guerre ET le déshonneur ». Dans ce cas les USA auront à la fois un effondrement économique ET sanitaire.
    Il ne faut pas oublier que ce sont les Noirs qui en raison de facteurs aggravés de comorbidité paient le plus lourd tribu en nombre de décès Covid-19. Officiellement Trump l’a déploré dans un tweet … mais c’est un suprématiste, menteur et cynique …
    Dernier point : nous « suivons » l’Italie avec une semaine de retard. Or l’Italie a dû arrêter toute activité économique. Que va-t-il se passer en France ?

  3. Vous devriez préciser :

    – d’abord, que les USA ont moins de décès qu’en Europe si on les compare à la population européenne. Idem pour l’Italie.

    – ensuite, que ce sont les Gouverneurs qui dirigent chacun des Etats.

    De mémoire, je crois que les décès en Europe selon les statistiques occupent les 2/3 des décès dans le monde ce qui prouve que les États-Unis s’en sortent mieux que nous. Veuillez vérifier les statistiques (hors la Chine qui nous raconte des salades).

    1. C’est bien connu, les chiffres sont comme les hommes, en les torturant on peut leur faire dire n’importe quoi. Dès lors il y a – et il y aura – inévitablement batailles de chiffres avec la tentation de les instrumentaliser pour servir un discours partisan.

      Pour pouvoir vraiment comparer l’efficacité des réponses apportées par chaque pays, il faudra attendre les études scientifiques qui compareront la mortalité d’une même tranche de population suivant différents critères (par exemple par million d’habitants pour les 30/55 ans des déciles médians, en sachant que l’on peut croiser les critères à l’infini).

      À ces chiffres brutes se superposera alors une seconde bataille d’interprétation concernant les effets de l‘organisation politico-administrative de chacun des États sur l’efficacité de la lutte contre la pandémie (fédéralisme US, régionalismes espagnol et allemand, centralisme français).

      Finalement le critère qui sera, espérons-le, le moins sujet à débat et à interprétation sera la date du démarrage de l’épidémie dans chaque pays (il semble que dès début janvier l’Italie ait été touchée), facilitant ainsi la lecture du décalage temporel existant à un instant t entre pays et continents.
      https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-coronavirus-italie-touchee-bien-plus-tot-quon-pensait-80237/

      Pour en revenir aux États-Unis, et même en écartant le cas spécifique de la ville de New-York qui a elle seule compte plus de contaminations que l’Espagne ou l’Italie, on peut déjà constater sans surprise que les États pauvres du sud, marqués par les inégalités sociales et raciales sont ceux où le covid-19 fait le plus de ravage, avec au 7 avril plus de décès rapportés au nombre d’habitants qu’à NYC.
      https://www.lefigaro.fr/international/coronavirus-pourquoi-new-york-est-elle-si-durement-touchee-20200411
      https://www.mediapart.fr/journal/international/070420/dans-le-sud-des-etats-unis-le-virus-commence-ses-ravages

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